Vérisme

Dieu — Introduction

Brochure publiée le 07/01/2025.

Table des matières

Avant-propos

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Les brochures véristes sont une série de documents visant à aider ceux qui veulent se joindre à notre combat par le partage d’informations. Nous encourageons ceux qui ne nous connaissent pas à se renseigner avant de les lire.

Pour résumer, nous considérons que l’écologie profonde est la problématique la plus urgente de notre temps et que sa cause est la vision du monde matérialiste qui est dominante à notre époque. Pour faire face à cette crise, nous appelons à la formation d’une élite qui fondera un réseau de villages susceptible de résister à l’effondrement à venir et de faire surgir une nouvelle civilisation de ses cendres. Celle-ci aura nécessairement pour socle une spiritualité authentique.

Ces brochures ont donc deux objectifs. Le premier est de résumer notre position sur un ensemble de sujets afin que nos membres et sympathisants puissent se faire une idée claire de notre projet de société. Sans projet commun, l’action commune n’est pas possible ; il faut donc se coordonner et s’organiser. Le second est de leur donner des outils pour contribuer efficacement à la réalisation de notre grand projet.

Bien que le public cible soit nos membres et sympathisants, le contenu de ces brochures n’est pas secret. Elles peuvent être lues par n’importe qui souhaitant se renseigner sur notre mouvement.

La reproduction et la copie de ces brochures est autorisée aux conditions suivantes : que le texte ne soit pas modifié, qu’il soit explicitement attribué au mouvement vériste, et que la distribution n’engendre aucun profit.

Introduction

À notre époque d’abandon généralisé de la métaphysique, on parle beaucoup de Dieu mais sans réellement savoir ce que ce terme désigne. Il y a des débats entre théistes et athées où personne ne parle réellement de Dieu, au point que l’on puisse se demander s’ils sont bien ce qu’ils prétendent être. Il y a donc une véritable urgence à apporter certaines clarifications à ce sujet.

Bien que nous n’hésitions pas à faire des références aux grandes religions, notre approche concerne avant tout ce que l’on appelle communément le « Dieu des philosophes ». Notre approche ne se base pas sur la révélation mais sur la raison : est-ce que l’observation du monde nous amène à conclure raisonnablement à l’existence d’un créateur, et que peut-on dire de lui ?

Le Dieu des philosophes est unique, tout comme celui de la révélation, donc il est raisonnable de penser qu’il s’agit du même dans les deux cas. Cependant, c’est une question de priorité : nous arrivons à la religion depuis la philosophie. Nous ne sommes pas prêts à accepter des conclusions déraisonnables sous prétexte qu’elles se basent sur une certaine interprétation des textes sacrés, car la valeur de ceux-ci vient du fait qu’ils prolongent sans contredire les vérités atteignables par notre raison. Nous précisons cela par anticipation pour ceux qui viendront nous reprocher de ne pas représenter le « véritable » Christianisme, Islam, etc., à partir d’une certaine interprétation des textes.

Les trois premiers chapitres sont organisés selon le schéma Sat-Chit-Ananda de l’Hindouisme, qui est une désignation de Dieu et qui signifie Être-Esprit-Félicité. Le quatrième vise à dissiper certaines confusions qui auraient pu persister malgré les chapitres précédents.

Chapitre 1 : Le Socle de l’Être

Dieu est le Créateur, la source transcendante de laquelle découle toute réalité. Cette simple observation, partagée par toutes les grandes religions du monde, est riche en conséquences. Elle permet tout d’abord de montrer que les termes de « polythéisme » et de « monothéisme » représentent presque toujours une confusion, en appuyant sur la distinction absolue et fondamentale qui existe entre Dieu avec un D majuscule et les dieux avec un d minuscule.

Les dieux, qui correspondent à la multitude des anges et des principautés dans les religions abrahamiques, sont des êtres qui habitent le cosmos et règnent sur certains de ses aspects. C’est eux qui dépendent de lui pour exister et non l’inverse. Ils en constituent certes l’aspect le plus élevé, le plus noble, le plus puissant et splendide, mais ils ne le transcendent pas. Ce sont des créatures (étymologiquement, des êtres créés), des êtres singuliers plutôt que l’Être en tant que tel, et en cela, ils sont bien plus proches de nous que de Dieu.

Cette même confusion se retrouve dans certaines blagues athées. « Je ne crois ni en Dieu ni au Père Noël. » « Tout le monde est athée par rapport à Zeus, à Thor ou à Osiris, je continue juste pour un dieu de plus. »

Ce qui distingue Dieu et les dieux n’est pas juste une question de quantité. Il n’est pas un être dans le sens où les chats, les pommes et les voitures sont des êtres, il n’est pas un objet de plus dans le cosmos, mais il est antérieur logiquement au cosmos lui-même puisqu’il en est le créateur. Il n’est pas juste un être appartenant à un taxon particulier, quant bien même il en serait le seul occupant, mais est la source transcendante de tous les êtres. C’est une différence fondamentale, ontologique. Ainsi, Dieu n’est pas singulier au même titre qu’un objet qui serait unique, mais est au contraire l’Unité elle-même, dans le sens où l’Être est Un et l’Infini est Un. Il est ce que les Soufis appellent Wahdat al-Wujud, l’unité de l’existence.

Il est au-delà de l’existence si par « existence » nous désignons la totalité des choses contingentes et finies. Il est l’Être en soi en cela qu’il est la source inépuisable de cette existence, l’absolu duquel le contingent ne peut être qu’absolument dépendant, le socle premier et fondamental sur lequel tout le reste vient s’appuyer. Il n’est pas seulement différent du monde en termes de grandeur, de puissance et de durée, mais à un niveau beaucoup plus profond et ontologique.

Les preuves de l’existence ou de l’inexistence de tel ou tel dieu ne consistent qu’en des faits contingents et locaux. Par exemple, des révélations, des miracles, des apparitions, etc. En revanche, celles de l’existence de Dieu avec un D majuscule doivent nécessairement être des vérités universelles de la raison. Elles doivent surabonder de chaque aspect de l’existence, aussi bien dans la nature profonde de notre conscience que dans le constat de la contingence du monde. Là où l’existence d’un dieu particulier peut être investiguée avec des méthodes relativement empiriques, celle de Dieu ne peut l’être qu’avec des raisonnements logiques abstraits proches de ceux des mathématiques. La différence est qu’au lieu de parler de formes et de nombres, l’on doit parler d’absolu et de contingent, de possibilité et de nécessité, d’Être et d’existence.

Pour reformuler cette idée un peu différemment, les choses qui nous entourent ont certaines caractéristiques : forme, couleur, âge, etc. Elles ont également la caractéristique d’exister. Tout comme il ne faut pas confondre les objets rouges avec le rouge en soi, il ne faut pas confondre les objets qui sont avec l’être en soi. Le fait même que les choses existent devrait nous interroger. Il ne faut pas nous laisser absorber par les choses au point d’en oublier le questionnement fondamental, qui est de nous étonner qu’elles existent.

Ce questionnement a parfois été exprimé sous la forme d’une petite phrase : « Pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien ? » Cette formule marque l’esprit, mais en vérité, il suffit de remarquer que « il y a quelque chose ». La mentalité moderne consiste en une obsession pour le « quelque chose », d’où le développement prodigieux des sciences expérimentales, qui s’accompagne d’un oubli symétrique du « il y a ». Pourtant, celui-ci contient l’un des plus grands mystères du cosmos, sur lequel les sociétés passées se sont beaucoup interrogées.

Tout comme il y a un rouge en soi indépendant des objets rouges, dont on peut dire par exemple qu’il correspond à telle partie du spectre lumineux, il y a un être en soi, duquel on peut dire un certain nombre de choses. Il s’agit là de la conception la plus élémentaire du Dieu des philosophes.

À ce stade, il n’a pas encore tous les attributs qui lui sont généralement associés, comme l’omnipotence, l’omniscience, l’omniprésence, ni même l’intelligence. Cela ne vient que dans un second temps. Une fois qu’il a été déterminé qu’il y a un être en soi, d’autres éléments doivent ensuite être apportés pour déterminer ses caractéristiques. On peut faire un parallèle avec les mathématiques où, après que le triangle ait été défini, il faut des démonstrations supplémentaires pour découvrir d’autres de ses propriétés, comme le fait que la somme de ses angles soit de 180°.

Chapitre 2 : Grand Esprit

Lors de leurs premiers contacts avec les Européens, les Natifs américains parlaient de Dieu avec l’expression « Grand Esprit ». Cette expression exprime à merveille un élément central du théisme classique, à savoir que Dieu n’est pas seulement un principe mécanique, comme la loi de la gravité, mais qu’il est esprit.

Les grandes religions partent généralement du principe que Dieu est esprit puisqu’elles se basent sur des révélations, c’est-à-dire sur des communications venant de lui. Il peut s’adresser aux hommes dans leurs langues pour leur transmettre des règles ou des connaissances, ce qui implique qu’il soit au moins aussi intelligent qu’eux. Comment aurait-il pu s’adresser à Moïse et à Mahomet, ou se manifester en Jésus ou en Krishna, s’il n’était qu’une force fondamentale incapable de conscience ?

Il y a différentes façons d’arriver à cette même conclusion par la raison. Nous en examinerons deux, non pas tant pour servir de preuves que pour permettre de mieux saisir de quoi il est question ici, de discerner un peu mieux la structure derrière le terme flou « esprit ».

Tout d’abord, nous pouvons partir du constat, qui avait déjà été établi par Pythagore, que le Livre de la Nature est écrit en langage mathématique. Il y a certaines vérités sur les triangles, comme que la somme de leurs angles est égale à 180°, qui sont des vérités universelles et qui resteraient vraies même si tous les triangles sensibles cessaient d’exister. Pour cette raison, elles sont elles-mêmes immatérielles. De plus, elles sont des faits que l’on découvre et pas de simples constructions sociales. Les raisonnements mathématiques, étant rigoureux et universels, sont par là même susceptibles de s’imposer à tout esprit indépendamment des différences culturelles.

Ainsi, le monde matériel dépend d’une structure mathématique plus fondamentale, qui est son prérequis et qui en rend l’existence possible. Cette structure est elle-même immatérielle et intelligible. Or, si l’univers est structuré de manière à ce que l’immatériel et l’intelligible vienne en premier, cela implique que sa source soit de nature à faire cela. Elle doit donc être elle-même immatérielle, et surtout, elle doit être une intelligence.

Cela nous permet d’éclairer un autre grand mystère du cosmos, à savoir l’intelligence humaine. Les philosophes modernes parlent du « problème difficile de la conscience » : si le monde ne consiste qu’en des interactions sans buts entre particules dénuées de subjectivité, comme l’affirment les matérialistes, comment se fait-il qu’elles puissent aboutir à leur opposé dans l’esprit humain, qui est empli de buts et d’expériences subjectives ?

La question peut être posée autrement. Si l’on se contentait d’observer ce qui se passe dans un cerveau à un niveau physique, on n’observerait que des interactions chimiques ou électriques. Nous n’aurions aucun moyen de savoir qu’elles correspondent à des expériences subjectives, et encore moins auxquelles elles correspondent. Pour établir des corrélations, il faut que la personne observée nous dise explicitement ce qu’elle ressent.

L’expérience subjective de la conscience n’est pas accessible aux instruments de mesure des sciences expérimentales.

Cette problématique apparaît lorsque l’on prétend faire sortir la conscience d’une matière purement mécanique qui en est complètement dénuée. En revanche, il n’y a plus aucun soucis lorsque nous la considérons non plus comme une sorte d’épiphénomène, d’émergence, mais en tant que quelque chose d’inscrit dans la structure du cosmos lui-même.

Il en va de même pour l’intelligence. Il y a des sortes de sauts qualitatifs au sein de l’univers : le passage du rien à l’existence, celui de la matière inorganique à la vie, celui de la vie végétative à la conscience, et finalement, celui de la conscience à l’intelligence humaine. L’approche matérialiste a des difficultés claires à les expliquer, y compris l’intelligence. Dans l’approche évolutionniste qui prévaut chez les matérialistes, il est difficile de comprendre comment l’intelligence humaine a pu s’hypertrophier à ce point en comparaison de celle des autres animaux. Même les plus intelligents parmi les non humains, comme les singes et les dauphins, sont très loins derrière nous.

Or, si l’on se rappelle que le monde lui-même obéit à une logique rationnelle, on en arrive au contraire à la conclusion que l’intelligence n’est pas un fragile accident du hasard mais l’un des grands processus fondamentaux du cosmos, qui n’a rien à envier à la gravité ou à la fusion stellaire. L’intelligence humaine ne constitue donc pas une inversion du fonctionnement habituel du cosmos mais au contraire en représente une application directe.

Chapitre 3 : Félicité

Les religions du monde ont des branches « mystiques » ou « ésotériques ». Le Judaïsme a la kabbale et le hassidisme. Le Christianisme a eu la mystique rhénane et actuellement, l’hésychasme. L’Islam a le soufisme. L’Hindouisme et le Bouddhisme en ont trop pour les lister toutes. Ces courants, avec leurs pratiques telles que la prière et la méditation, visent l’atteinte d’une sorte d’illumination, ou au moins d’états spirituels.

Or, les expériences de ce type ont un caractère universel. Elles renvoient toutes à la même réalité. Selon la formule de Meister Eckhart, « les théologiens du monde ont beau se disputer, les mystiques parlent tous la même langue. »

Le cas de Ramakrishna est évocatif à cet égard. Grand maître de la spiritualité hindoue, il se fit chrétien puis musulman pour voir à quels résultats aboutissaient ces voies spirituelles, et en est ressorti avec l’idée d’une universalité de l’expérience spirituelle directe indépendamment de la voie empruntée, au moins à un niveau suffisamment avancé.

Dire de Dieu qu’il est la félicité revient à dire qu’il est la source et l’objet de ces expériences mystiques et ésotériques, indépendamment des religions. C’est pourquoi les Chrétiens parlent de « vision béatifique », c’est-à-dire d’une vision de Dieu.

Il est naturel de se considérer comme la mesure de toutes choses. Pour l’asticot dans la pomme, la pomme est l’univers. De même, l’homme commun croit que le cosmos se réduit à ce qu’il peut observer avec ses sens, aussi minuscules soient-ils. Il sait désormais que le monde qu’il connaît est bien plus grand que lui, mais il n’en arrive pas pourtant à la conclusion pourtant élémentaire que ce qu’il ne connaît pas est bien plus vaste encore.

L’ouverture progressive du troisième œil lui permet d’accéder à des réalités dont il ne soupçonnait même pas l’existence, à percevoir des mondes qui sont inaccessibles à ses yeux de chair. Il ne se contente plus de croire en l’existence de mondes spirituels dont il a reçu des témoignages, ou qu’il a déduite par des syllogismes divers. Il peut les observer directement. Dès lors, il ne croit pas plus à l’existence des anges qu’en celle du facteur.

Après avoir traversé divers mondes spirituels, il finit par remonter à la source de toutes choses, qui est réellement commune à toutes les religions : Dieu lui-même. La vision béatifique n’est pas seulement une révélation, une illumination ; elle est aussi une félicité, un apaisement, un bonheur.

Dans les deux premiers aspects de Dieu, on ne le rencontre pas directement mais à travers sa création. On infère sa réalité à partir du constat de l’existence du monde et de l’intelligence qui y règne. En revanche, avec la félicité, le contact est direct, intime et personnel. Ce n’est plus une abstraction qui vient aider à comprendre le monde, à y mettre du sens, mais bien une rencontre qui secoue jusqu’aux profondeurs de l’être.

C’est une expérience qui est ineffable, inexprimable. Les mystiques du monde redoublent de poésie pour essayer d’exprimer ce qu’ils ont vécu, ou ce qu’ils continuent de vivre si l’expérience les a affectés sur le long terme, mais ils sont les premiers à admettre que c’est là quelque chose de profondément inadéquat. Tout comme on ne peut pas expliquer la rougeur du rouge à un aveugle simplement par le langage, certaines expériences doivent être vécues pour vraiment être comprises.

Saint Thomas d’Aquin, qui était l’un des grands maîtres de la scolastique médiévale, a eu une expérience de ce type vers la fin de sa vie. Suite à cela, il s’est arrêté d’écrire en déclarant que tout ce qu’il avait exprimé par les mots et la philosophie était « comme de la paille ».

Pour ces mêmes raisons, il s’agit aussi de l’aspect le plus dangereux de Dieu. La contemplation directe de la divinité a un impact psychologique certain, c’est d’ailleurs l’une des principales raisons de la rechercher. Cependant, certains ne le supportent pas et deviennent ce que l’on appelait au Moyen Âge des « fols-en-Christ », que le contact avec les réalités supérieures a fait perdre pieds avec la vie quotidienne.

Une légende juive dit que quatre sages avaient obtenu une vision de ce genre, en voyant le paradis.1 L’un d’entre eux est mort sur le coup, un autre est devenu fou, un troisième hérétique, et seul le quatrième est resté juif orthodoxe. Ce récit est une mise en garde à ceux qui voudraient s’aventurer sur cette voie.

Cependant, il n’empêche qu’elle est l’une des grandes promesses des religions du monde. Si l’intellect de l’homme reflète, à son humble niveau, l’intellect créateur et organisateur de l’univers, alors il peut y avoir rencontre entre les deux. C’est une possibilité toujours présente, des fondements de la religion avec la révélation (rencontre entre Dieu et un prophète) à son objectif final (où la rencontre concentre un fidèle).

La légende en question s’appelle d’ailleurs « pardes », qui signifie littéralement « jardin » mais dont le sens est plus proche de « paradis », par rapprochement entre le paradis terrestre de l’Éden et le paradis céleste.

Chapitre 4 : Immatériel et intemporel

Dieu est le créateur du monde, ce qui signifie que c’est le cosmos qui dépend de lui pour son existence et non l’inverse. De même, il est nécessairement simple, c’est-à-dire non composé, car sinon, alors ses parties seraient plus fondamentales que lui et il dépendrait d’elles ; nous n’aurions donc pas atteint la source fondamentale du monde.

C’est pour cela qu’il doit être immatériel. S’il était composé de particules, ou d’ondes, alors il faudrait qu’il y ait de la matière qui le précède et de laquelle il dépendrait, et donc, dont il ne serait pas le créateur. S’il en était ainsi, il ne serait plus le créateur mais simplement une créature très puissante parmi les autres. Il serait au mieux une sorte d’extraterrestre exceptionnel, mais pas l’Être suprême. On sortirait du cadre de la métaphysique pour retomber dans la simple science de la nature, dont il ne serait qu’un élément, au même titre que les pommes et les chaussures.

La différence entre Dieu et les créatures n’est pas seulement une question de degré ou de magnitude, comme le chaud et le froid ou l’ombre et la lumière. Au contraire, il s’agit d’une distinction ontologique : les créatures sont le monde, et lui le créateur du monde. Quand on remarque qu’« il y a quelque chose plutôt que rien », le cosmos est le « quelque chose » alors que Dieu est le « il y a ».

La matière a certaines caractéristiques, comme celles d’occuper un certain espace et d’évoluer dans le temps. On peut donc dire qu’il y a une sorte de dépendance logique de la première vis-à-vis des deux autres. C’est aussi une raison pour laquelle Dieu ne peut pas être matériel : s’il l’était, alors il faudrait que l’espace-temps le précède, au moins logiquement ; qu’il soit plus fondamental que lui, afin de rendre son existence possible.

Tout ce qui existe dans l’espace est indéfiniement divisible, donc quantitatif. Les choses matérielles ne peuvent donc pas être parfaitement simples. De même, tout ce qui existe dans le temps est métaphysiquement composé de puissance et d’acte, c’est-à-dire d’un potentiel susceptible d’être réalisé. Un homme debout a le potentiel de s’asseoir et est en acte d’être debout, et s’il s’asseoit, le rapport entre les deux changera. Cela implique que la structure du potentiel et de sa réalisation est plus fondamentale que lui, ce qui ne peut pas être le cas pour Dieu.

De plus, les révélations des religions du monde nous enseignent que Dieu est parfait. S’il était différent de ce qu’il est, alors il serait différent de la perfection, et serait donc imparfait. S’il pouvait changer, alors il devrait passer de son état parfait à un état imparfait, ou vice versa. Il nous faut donc en conclure qu’il ne change pas, et donc qu’il n’est pas soumis à la moindre forme de changement, et donc de succession, car la succession est ce qui encadre et contient les changements. Le temps étant un mode de succession, Dieu ne saurait y être soumis.

Il peut être difficile de se représenter ce que cela signifie d’être au-delà du temps. On peut se l’imaginer en voyant Dieu comme une sorte de spectateur extérieur qui verrait la frise chronologique de l’histoire comme une grande fresque, c’est-à-dire en simultané. De son point de vue, tout se produit en même temps, et le temps est une sorte d’effet d’optique qui est produit par nos subjetivités, parce que nous sommes dans la frise alors que lui est extérieur à celle-ci.

Les religions abrahamiques insistent sur le fait que le monde a un commencement temporel, mais cela peut amener à certaines confusions vis-à-vis de Dieu. Comme il est extérieur au temps, que celui-ci ait un commencement et une fin ou qu’il s’étende de manière indéfinie ne change rien pour le Seigneur. La question du socle de l’être se poserait tout autant dans un monde ayant toujours existé que dans un monde qui n’existe que depuis un certain temps. Ce n’est pas juste une question de « qui est responsable du Big Bang ? ».

Cette compréhension des choses permet aussi de faire disparaître certaines difficultés, comme celle de l’omniscience divine et du libre-arbitre. Si Dieu sait déjà ce que nous allons choisir à l’avenir, avons-nous réellement le choix, ou sommes-nous déjà déterminés ? Cette question se poserait si Dieu n’était qu’un être du monde parmi les autres, réduit à faire des prédictions compte tenu de ce qu’il connaît de la situation actuelle. La réalité est plutôt qu’il se « souvient » du futur. De son point de vue, nous avons déjà fait tous nos choix lors de la création du monde, mais du nôtre, nous les faisons un par un quand la situation nous y pousse.

L’impression spontanée des humains est que le moment présent est particulièrement réel : le passé n’existe plus et le futur n’existe pas encore. Cependant, il ne s’agit là que d’une limite de notre point de vue, d’une sorte d’illuson d’optique. Du point de vue divin, tout se passe en même temps.

Conclusion

L’élément le plus important à retenir de cet exposé est que Dieu n’est pas un être parmi les autres mais qu’il est le Socle de l’Être, non pas une créature mais le Créateur. C’est le cosmos qui dépend de lui pour exister et non l’inverse. Garder cela à l’esprit permet de dissiper un grand nombre de confusions.

Bien entendu, il n’est pas que cela ; il est aussi l’esprit organisateur de cet univers auquel il donne naissance et la félicité à laquelle mène le cheminement spirituel. Il est le commencement et la fin : aussi bien les fondations du monde que le but vers lequel il tend.

Cette approche ne suffit pas à faire le tour de tout ce qui peut être dit de Dieu. Nous n’avons pas abordé ses caractéristiques, comme l’omniscience, l’omnipotence, l’omniprésence, etc., même si les lecteurs avisés sauront les faire découler de son statut de Socle de l’Être. Il y a donc encore des choses à dire à son sujet, ne serait-ce que pour dissiper certaines confusions qui croient voir des contradictions entre ses différents attributs.

Nous n’avons pas non plus présenté les différents arguments en faveur de son existence, dont certains permettent de clarifier encore plus sa nature, alors que d’autres tombent justement dans le genre de confusions que nous dénonçons ici.